Le Museum Bums de Mark Small et Jack Shoulder utilise des images de statues et d'œuvres d'art pour explorer des histoires et leurs représentations publiques et sociales.
Museum Bums (le Musée des fesses) a d'abord commencé sur les réseaux sociaux, puis est devenu une communauté en ligne florissante et, à la fin de l’année 2023, s’est converti en un livre imprimé. Nous parlons avec ses auteurs.
Bonjour, Jack et Mark. Parlez-nous un peu de vous.
Jack : Je vis à Bristol, au Royaume-Uni. Je travaille dans des musées, des galeries et des espaces culturels depuis 2010. J’œuvre dans une association pour la santé mentale des jeunes et, pendant mon temps libre, je coordonne des visites guidées LGBTQ+ au V&A (Victoria and Albert Museum à Londres). J'aime trouver des moyens d'enthousiasmer les gens pour l'histoire et regarder le passé avec un regard nouveau. J'adore explorer ce qui peut être mieux compris, voir quelles preuves nous pouvons questionner et établir nos hypothèses.
Mark : Je vis également à Bristol et j'ai travaillé dans une organisation caritative nationale sur des projets d'autonomisation des jeunes. Puis j'ai bougé au Musée de Bristol et aux Archives de la ville. Je m'intéresse à l'histoire publique, qui permet de rendre l'histoire accessible, disponible et intéressante, en essayant de raconter des histoires de manière captivante. Dorénavant, je travaille au service de l'état civil de Bristol et j'aime inclure du patrimoine culturel dès que je le peux. Par exemple, l'année prochaine, nous célébrerons le 200ème anniversaire de l'édifice dans lequel nous sommes. Et Jack et moi avons écrit ensemble un livre sur Museum Bums !
Nous devons demander : pourquoi les fesses ?
Jack : Les fesses sont universelles. Elles font parler les gens et sont un peu insolentes. Dans l'art et la sculpture, les fesses sont souvent négligées car nous avons tendance à nous concentrer sur le visage et le devant. Par conséquent, quand nous regardons les fesses, nous regardons les choses d'un point de vue différent. Nous en apprenons davantage sur la façon dont un objet ou une œuvre d'art était censé être exposé, ce que l'artiste voulait que nous voyions, si il ou elle était bon ou bonne en proportions et en posture. Les fesses sont un moyen d'explorer l'art et l'histoire de l'art de manière amusante et un peu burlesque, mais qui peut vraiment provoquer de la réflexion chez les gens.
Vers 2013, nous avons commencé à mettre sur nos propres réseaux sociaux des photos de fesses de statues que nous avons vues dans des musées. Nous recevions une certaine attention alors, en 2016, nous avons décidé de faire équipe et de créer Museum Bums sur Twitter et Instagram.
Dans le livre, il y a aussi une série d'essais explorant les fesses à travers différents angles, notamment féministe ou queer. Et nous explorons même des questions comme « Pourquoi il y a tant de gens à la plage dans ces peintures ? ».
Mark : Les fesses sont omniprésentes. Vous pouvez vous rendre dans n'importe quelle galerie ou espace culturel et il y aura une paire de fesses quelque part. Le Polar Museum de Cambridge abrite une statue en bronze faite par la veuve du capitaine Scott sur le modèle du jeune frère de Lawrence d'Arabie. À la British Library, vous pouvez retrouver des fesses dans les atlas, dans les cartes des constellations, comme élément décoratif populaire. Elles traversent aussi le temps : les statuts de fertilité néolithiques, les statues d'Henry Moore du XXe siècle, l'art japonais qui comprend l'histoire du Kappa, une créature mythologique que vous pouvez repousser en lui flatulant au visage.
Comment utilisez-vous Europeana.eu ?
Jack : Je pense qu'environ 10% des images du livre Museum Bums proviennent d'Europeana.eu. Pendant le confinement, notre communauté en ligne a grandi, et les gens nous envoyaient une image de quelque chose qu'ils avaient vu et pour laquelle ils voulaient en savoir plus. Nous utilisions nos compétences en recherche pour déterminer ce que c'était. Des ressources incroyables comme Europeana.eu ont vraiment aidé. Le site est une excellente source d'informations. Donc, s'il y a peu de données sur Wikimedia, par exemple, nous savons que nous pouvons aller sur Europeana.eu pour trouver une large gamme de collections et d'informations qui nous aident à reconstituer ce que les gens nous envoient. Ensuite, nous partageons nos résultats avec eux.
Mark : Nous aimons partager les choses d'une manière comique, tout en nous livrant à des recherches en histoire de l'art. Nous savons que les gens font défiler Instagram dans le bus, et nous voulons qu'ils s'étonnent avec des « Ah ! » mais aussi des « Oh ! ».
Quelle a été votre meilleure trouvaille sur Europeana.eu ?
Jack : Cette année, nous voulions faire un post sur les réseaux sociaux pour la fête des mères au Royaume-Uni, et en utilisant Europeana.eu, nous avons trouvé un cliché du film The Mother. Il est vraiment difficile de trouver des documents si spécifiques : les représentations maternelles ont tendance à se concentrer sur l'avant du corps ou sur la mère et son enfant. Être capable de trouver des images si spéciales fonctionne vraiment pour notre marque.
Mark : En 2020, nous avons fouillé Europeana pour des fesses sur le thème des Jeux Olympiques. L'une de nos préférées, que nous avons publiée sur nos réseaux sociaux, se trouvait au stade olympique suédois. C'est une statue à deux personnages qui traversent l'entrée principale. J'ai adoré l'association qui y est faite de l'art, de la culture, du sport et des événements internationaux.
À quoi réfléchissez-vous en ce moment ?
Jack : La manipulation de photos me préoccupe depuis qu'il y a eu des théories du complot à propos de la princesse de Galles éditant une photo de famille. Je pense à la façon dont nous recevons les images et comment elles peuvent être récupérées. Mais aussi sur le fait que les gens développent une pensée critique sur ce que nous voyons sur Internet. Nous nous interrogeons : « Est-ce faux ou réel ? ».
Mark : J'ai pensé aux Oscars ! Nous nous sommes rendus au Barbican pour voir une exposition des costumes du film Poor Things. La narration que les gens ont faite avec les costumes est incroyable. Nous avons vu le film dans un cinéma indépendant, puis sommes allés à l'exposition, ce qui a vraiment prolongé l'expérience.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mark : Pendant le confinement, les musées et les archives ont utilisé leurs médias sociaux comme principal moyen d'interagir avec le public. La Orkney Library a très bien utilisé ses réseaux sociaux pour chercher et publier un objet au hasard et expliquer en quoi il est intéressant. La Bibliothèque nationale d'Écosse a également fait de ses médias sociaux quelque chose d'amusant. Cela ne concernait pas nécessairement ses propres collections, mais vous appreniez des choses.
Jack : Suzy Dent et son mot du jour me remontent toujours le moral. Et j'aime également ce site web qui nous indique combien de personnes sont dans l'espace.
Mark : J'aime la photo du jour de la NASA. Cela me rappelle que nous sommes petits et insignifiants.
Quels projets avez-vous pour Museum Bums à l'avenir ?
Jack : Nous travaillons actuellement sur des événements avec des musées britanniques, tels que des visites et des discussions avec des institutions comme le Victoria and Albert Museum de Dundee et l'Université de Dundee, dans le cadre de la marche des fiertés, mais aussi sur des événements à Liverpool. Nous avons également des projets pour un deuxième, et peut-être un troisième livre. Et nous avons encore beaucoup à dire sur les fesses.
Mark : Avec des événements comme ceux-là, nous avons l'occasion de mettre en valeur ce qui ne l'est pas, c'est-à-dire mettre en valeur ce qui n'a pas été considéré comme important dans l'art. À Liverpool, avec la Walker Art Gallery, nous organisons un atelier de dessin où les modèles vivants sont des personnes non blanches ou des personnes qui n'ont pas un corps dans la norme. Nous voulons mettre en avant le fait que les galeries et collections sont pleines de corps blancs, mais que ce n'est pas représentatif de la société. L'art trouve son fondement dans les mondes grec et romain et dans la recherche des proportions parfaites. Mais les corps ne sont pas harmonieux, ils ne sont pas parfaits.
Traduction : Nolwenn Gouault